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Blockchain et RGPD : défis et enjeux en 2025

Bref résumé

Le 8 avril 2025, le Comité Européen de la Protection des Données (CEPD) a publié des lignes directrices cruciales sur

Le 8 avril 2025, le Comité Européen de la Protection des Données (CEPD) a publié des lignes directrices cruciales sur l’usage de la blockchain en relation avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Ce texte, régulièrement mis à jour et ouvert à consultation jusqu’au 9 juin 2025, souligne l’importance d’encadrer les technologies émergentes tout en respectant les droits fondamentaux des individus.

En effet, les caractéristiques inhérentes à la blockchain, telles que son immutabilité et sa décentralisation, posent des défis majeurs pour la conformité avec le RGPD, notamment en ce qui concerne la conservation des données et les droits d’effacement. Ainsi, la problématique de la protection des données au sein de cette infrastructure technique soulève également des questions de souveraineté numérique en Europe. L’ambition du CEPD est d’établir un cadre éthique et pratique permettant d’innover sans renoncer aux droits des citoyens.

Dans cet article, nous explorerons les défis que pose la blockchain à la réglementation en matière de protection des données, les recommandations du CEPD pour assurer la conformité au RGPD, et l’interaction entre souveraineté numérique et avancées technologiques.

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Quels défis pose la blockchain au RGPD ?

La blockchain est souvent célébrée pour ses caractéristiques techniques, telles que la décentralisation et l’immuabilité. Pourtant, ces mêmes traits soulèvent des défis significatifs pour la conformité au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Les lignes directrices du CEPD identifient plusieurs points de friction majeurs entre la blockchain et les exigences du RGPD.

Tout d’abord, la limitation de la conservation des données constitue un défi central. En vertu de l’article 5(1)(e) du RGPD, les données personnelles doivent être conservées pour une durée qui n’excède pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont traitées. Or, une fois qu’une donnée est inscrite dans une blockchain, sa nature immuable rend difficile, voire impossible, son effacement isolé. Cela contredit directement cette exigence de limitation temporelle.

  • Droits à l’effacement et à la rectification : L’immutabilité des transactions rend l’exercice des droits à l’effacement (droit à l’oubli) et à la rectification particulièrement difficile. Une donnée personnelle inexacte, enregistrée sur la blockchain, ne peut être modifiée sans compromettre l’intégrité du registre.
  • Identification du responsable de traitement : Le caractère décentralisé de la blockchain complique l’identification d’un responsable de traitement. Sur les blockchains dites permissionless, peut-on définir qui prend les décisions concernant les traitements de données ? Cela soulève des interrogations importantes.
  • Minimisation des données et confidentialité : La nature même de la blockchain, qui opère avec une grande transparence, peut entraîner des tensions avec le principe de minimisation des données, tel que prescrit par l’article 5(1)(c) du RGPD. Par conséquent, il est crucial de contrôler Strictement l’information mise on-chain.
  • Transferts internationaux de données : Un réseau blockchain n’a par définition pas de frontières. Cette caractéristique pose de graves problèmes de conformité avec les exigences de transfert de données hors de l’UE établies dans le chapitre V du RGPD, surtout dans les cas de blockchains publiques.

Le CEPD insiste sur le fait que l’absence de contrôleur évident ou l’irrémédiabilité technique des données ne dispense pas les acteurs blockchain de leur responsabilité envers le RGPD. La nécessité d’adopter des solutions techniques et organisationnelles pour gérer ces défis devient alors essentielle.

La question se pose donc de savoir comment les acteurs du secteur peuvent naviguer dans cet environnement complexe et quelles recommandations peuvent être mises en œuvre pour atteindre une conformité efficace avec le RGPD tout en continuant à innover.

Quelles recommandations du CEPD permettent de concilier blockchain et RGPD ?

Dans le cadre des défis évoqués précédemment, le Comité Européen de la Protection des Données (CEPD) a formulé des recommandations visant à permettre une conformité entre la blockchain et le RGPD. Ces lignes directrices, bien que encore en consultation, offrent des perspectives précieuses pour les acteurs du secteur qui cherchent à naviguer dans ce paysage légal complexe.

Tout d’abord, le CEPD souligne l’importance d’intégrer dès la conception des solutions blockchain les principes de protection des données. Cette approche, connue sous le nom de Privacy by Design, impose une réflexion systématique sur la manière dont les données personnelles sont collectées, traitées et stockées. Par exemple :

  • Collecte minimale : Limiter la collecte de données en ne récoltant que celles strictement nécessaires pour les finalités prévues.
  • Consentement explicite : Assurer que le consentement des personnes concernées soit obtenu de manière claire et univoque avant tout traitement de données personnelles.
  • Avis d’information : Former les utilisateurs sur la manière dont leurs données seront utilisées, ainsi que sur leurs droits en matière de protection des données.

De plus, le CEPD recommande l’utilisation de technologies émergentes pour renforcer la protection des données, telles que :

  • Chiffrement avancé : Protéger les données sensibles par des méthodes de chiffrement, garantissant ainsi que même en cas d’accès non autorisé, les données restent inintelligibles.
  • Smart contracts : Utiliser des contrats intelligents pour automatiser les processus de conformité, rendant ainsi la gestion des droits des individus plus efficace tout en préservant l’intégrité de la blockchain.

Il est également essentiel de maintenir une bonne gouvernance des données. Cela implique :

  • Identification des responsabilités : Nommer un responsable au sein des organisations impliquées dans la blockchain pour gérer la conformité au RGPD.
  • Audit et documentation : Mettre en place des mécanismes d’audit réguliers pour évaluer la conformité des solutions blockchain aux exigences légales en matière de protection des données.

Ces recommandations, bien que techniques, répondent à des enjeux cruciaux en matière de souveraineté numérique et de droits fondamentaux. Alors que l’Europe s’efforce d’équilibrer l’innovation et la protection des individus, il est impératif que les acteurs de la blockchain adoptent ces lignes directrices.

Nous allons maintenant explorer comment la souveraineté numérique façonne l’avenir des technologies blockchain en Europe et les implications qui en découlent.

Comment la souveraineté numérique façonne-t-elle l’avenir des technologies blockchain en Europe ?

La notion de souveraineté numérique est devenue un enjeu central des politiques européennes, affectant directement le développement et l’application des technologies blockchain. Alors que le monde devient de plus en plus interconnecté, les préoccupations concernant la protection des données, la sécurité et l’indépendance technologique sont montées en flèche. L’UE ambitionne de construire un espace numérique respectueux des valeurs fondamentales qu’elle promeut, et la blockchain est envisagée comme un outil clé dans cette quête.

Un des aspects majeurs de cette souveraineté numérique réside dans la gouvernance des données. L’UE cherche à ne pas laisser la donnée des citoyens européens exposée à des législations extérieures. Par conséquent, les infrastructures blockchain devraient être localisées et contrôlées par des entités de confiance au sein de l’UE. Ce cadre est essentiel pour garantir que les règles du RGPD soient intégralement respectées, notamment pour ce qui concerne le transfert international des données mentionné dans le chapitre V du RGPD. Un registre blockchain situé en dehors de l’UE pourrait potentiellement exposer les données à un risque de non-conformité.

  • Blockchains Permissionnées : Le CEPD recommande l’usage de blockchains permissionnées, où l’accès et les droits d’écriture sont régulés. Cela permet de maintenir la responsabilité des acteurs participant au réseau, tout en facilitant l’identification de la personne responsable du traitement des données.
  • Interopérabilité : Favoriser l’interopérabilité entre différentes solutions blockchain au sein de l’UE est également primordial. Cela éviterait le phénomène de vendor lock-in et permettrait la circulation des informations tout en gardant les données sous contrôle européen.
  • Transparence et Traçabilité : La souveraineté numérique s’accompagne d’une exigence de transparence dans la gestion des données. Les solutions basées sur la blockchain, par leur nature, permettent une traçabilité fiable, essentielle pour restaurer la confiance des utilisateurs.

Par ailleurs, des initiatives comme le projet EBSI (European Blockchain Services Infrastructure) visent à créer des services numériques fiables et sécurisés, renforçant ainsi les bases d’une souveraineté numérique. En adoptant un cadre juridique solide et en favorisant des technologies respectueuses des droits fondamentaux, l’Europe aspire à devenir un leader dans le domaine des blockchains éthiques.

En conclusion, la façon dont l’UE façonne sa souveraineté numérique aura un impact déterminant non seulement sur la conformité au RGPD mais également sur l’avenir des technologies blockchain dans son intégralité. Ce faisant, l’UE pourrait poser les jalons d’un modèle à suivre au niveau mondial, alliant innovation et respect des droits de l’homme.

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